Pour légiférer, nous partirons aussi du corps. Il ment rarement, pour peu qu’on l’écoute. Il a le sens du vrai, du bon, du juste, des réalités. Il donne des informations. Il est plus rapide que nos idées. Le corps est plus fiable que l’esprit. La mémoire comme le raisonnement sont de grands prestidigitateurs. La faillibilité de notre esprit est très bien décrite dans l’ouvrage ”Déjouer les pièges de l’auto-manipulation” (Jean Doridot et Patrick Gosling, Interéditions, 2012).
On dit que les décisions des juges dépendent de ce qu’ils ont pris au petit déjeuner… Ce n’est pas complètement fantaisiste. Cela signifie qu’ils analysent les affaires et prennent des décisions non en fonction du droit qui serait une science, mais en fonction de leur humeur. Le droit n’est pas une science exacte. Tout est affaire d’interprétation, de point de vue, de parti pris, d’idées préconçues, de tendance au dogmatisme ou à la tolérance… Un petit dej avalé trop vite et le 1er dossier de la matinée le paiera…
Nous avons appris aussi en formation à la neuro-psychologie du conflit, que les juges prennent leur décision d’abord, et étudient le dossier ensuite pour trouver les arguments qui confirmeront leur décision. Auto-manipulation inconsciente bien sûr, dont les juges n’ont pas le monopole : on fait tous ça, notamment dans les ruptures amoureuses… Notre corps nous demande de partir, et on commence à ouvrir un dossier contre l’autre… A geindre… A se plaindre… A maudire… A devenir agressif… A s’imaginer que le désagrément ressenti est causé par l’autre… A accuser… A faire régner une atmosphère invivable… « Ah, tu vois bien ! C’est invivable ! » « Stop, je me barre ! » « C’est ça, casse-toi !« . Alors qu’il arrive que l’autre soi resté l’autre et que nous soyons celui qui a évolué… C’est à dire qui est resté un humain vivant… L’accusation n’a pour seul objet que de se défendre de la douleur que l’on ressent et que l’on cause et en rendant artificiellement responsable. Pour avoir bonne conscience… On quitte le corps et on monte dans les idées.
Pour définir nos lois, nous allons essayer de voir ce que la loi nous fait plutôt que ce qu’elle nous ordonne. Descendre des principes au réel. Au sensoriel. Par le circuit suivant : qu’els sont les faits – qu’est-ce qui a été ressenti – quelles réflexions en ont émergé – quelle loi pourrions-nous bâtir pour apporter du sens, une éthique, un guide – après l’ordonnancement par la loi quels sont les faits – ressentis –réflexions etc.
Nous nous astreindrons donc à raconter des histoires, à décrire des expériences, pour permettre à une loi de venir ensuite, en se méfiant des grandes idées et en évitant toute morale.