Quelques références et développements pour approfondir la compréhension de notre projet :
[1] La Loi : voilà bien un terme aux significations multiples, générateur de confusion au bénéfice du Souverain qui lui permet de diriger ses sujets jusque dans leur vision du monde, leur moralité et leur intimité. La Loi est bien plus ample que le Droit.
Qu’est-ce qu’une loi ?
* Un outil privilégié du pouvoir politique. C’est le Droit positif *. Elle est posée pour l’organisation d’une population pour lui garantir la paix (ou plutôt la sécurité, l’ordre et le paiement des impôts) : il s’agit de commandements, règlements, décrets, prescriptions, légalité… Leur irrespect fait encourir une sanction.
- Droit positif ou loi positive : on distingue classiquement entre loi naturelle et loi positive. La loi naturelle est celle qui découle de la « nature », la loi positive désigne une norme juridique établie par une instance politique. Le « Droit positif » désigne, à un moment donné, l’ensemble des règles applicables dans un espace juridique déterminé.
* Un principe décelé par la philosophie et/ou la science : les lois sont ce qui régit les manifestations et qui permettent de dégager un système unitaire ou à tout le moins cohérent. Napoléon et ses rédacteurs conçoivent un modèle de société hiérarchique, selon une vision héritée du monothéisme et de la croyance en un Principe Créateur. Le système de responsabilité est basé sur le principe que tout événement a une cause que l’homme se doit de rechercher, et que l’homme est doué de conscience : en conséquence il est responsable et peut/doit se contrôler. L’irrespect de ces lois fait encourir la destruction ou le chaos.
* Un précepte religieux. Les règles, qu’il s’agisse de règles de comportements (les 10 commandements, les interdits alimentaires…), de rituels (le repos dominical, la communion, la prière…) ou de croyances obligatoires (l’immaculée conception, la vie éternelle, l’homme fautif à cause de la femme et du serpent…) sont des Lois nécessaires qui posent le Bien et le Mal. Leur irrespect fait encourir la colère voire la vengeance de Dieu, l’enfer…
C’est un ensemble de principes vus comme intangibles et incontournables qui viennent « d’en haut » (la Justice représentée par le Souverain, la Nature, Dieu) – mais qui en réalité sont façonnés entièrement par les humains (les élus, les philosophes ou les scientifiques, les hommes d’Eglise), dans le but d’ordonner le monde selon leur conception.
En 1804, Napoléon fonde un Code civil qui intègre dans le corpus juridique – le Droit – les différentes facettes de ce que représente la Loi depuis 6000 ans… Car le Code intègre des règles qui concernent tant les relations des sujets avec la Nation, que des principes philosophiques (sur la relation de cause à effet qui est au fondement de la Responsabilité civile), que des injonctions morales (« les bonnes moeurs« , « un bon père de famille« ). C’est fort ! (Pour une jolie protestation contre la suppression de l’expression « Bon père de famille » dans le Code civil, savourez ceci : c’est pathétique… Ah les avocats… quand sortiront-ils de leur microcosme ?).
[2] Pour se faire une idée de l’ambiance démocratique et lumineuse des débats post-révolutionnaires, revoir le film “Danton” d’Andrzej Wajda. Sur le procès de Danton je cite (dialogues du film) Philippeaux à Camille Desmoulin : “C’est un procès (celui de Danton) politique, et la politique obéit à une mécanique qui n’a rien à voir avec la justice” puis “ L’homme a des droits tant qu’il sait les préserver”. 1794.
[3] Pour comprendre l’utilité de l’uniformisation du droit par le Code Napoléon : Universalis.fr – le Code Napoléon – “La promulgation du Code de 1804 était une satisfaction donnée à un désir populaire ancien et profond. Depuis des siècles, le peuple (…) souhaitait que la loi fût écrite et qu’elle fût simple et claire, afin que chacun pût connaître son droit et la protection que lui assurait la loi. (…) Les coutumes rédigées (au XVIè s.), le droit était plus sûr, mais aussi plus discutable. Il variait d’une région à l’autre, au hasard d’incidents historiques, et Voltaire remarquait que le voyageur changeait aussi souvent de lois que de chevaux. Alors apparut l’opportunité d’une codification qui unifiât le droit. (…) Durant la Révolution, la codification reste un objectif constant des gouvernements successifs. (…) En 1800 finalement, Bonaparte, Premier consul, désigne une commission de trois membres chargés de rédiger un projet de code. Lui-même viendra souvent participer à leurs travaux et, bien sûr, fera prévaloir ses vues dans les matières qui lui tiennent à cœur (…) Enfin les Français ont un Code. Celui-ci remplace tout le droit antérieur dans les matières qu’il régit.”
[4] Voir le discours de Portalis qui montre le glissement “des lois positives” (c’est à dire le droit, nécessaire à l’organisation politique et sociale de la collectivité) à “la loi” : “Les lois ne sont pas de purs actes de puissance ; ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison. Le législateur exerce moins une autorité qu’un sacerdoce.” Puis “L’office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit”.
[5] 1804, si loin si proche. Regardez l’histoire du XIXème siècle et son enseignement : avez-vous lu les pages de 6ème sur “le commerce triangulaire” où l’on fait faire des schémas aux enfants pour leur expliquer comme si de rien n’était, que l’on faisait du commerce d’hommes et femmes d’Afrique contre des armes et du tabac ?
[6] Sur « les hommes » : vous avez lu l’extrait du discours de Portalis (1745-1807) : « Qu’est-ce qu’un Code civil ? C’est un corps de lois destinées à diriger et à fixer les relations de sociabilité, de famille et d’intérêt qu’ont entre eux des hommes qui appartiennent à la même cité » (extrait du discours de présentation du Code civil prononcé le 3 frimaire an X).
On se souvient qu’au XIXème siècle, pour désigner les humains on disait “les hommes” et pour cause, les femmes n’existaient pas pour les rédacteurs du Code, en tant que sujet citoyen.
[7] Sur le droit de propriété et les abeilles, jeter un œil au succulent abécédaire “Nouveau Code Napoléon arrangé par ordre alphabétique, expliqué et mis à la portée des propriétaires et des commerçants” par Gabriel Duperron. On peut y lire par exemple sur les abeilles que “Les abeilles à l’état sauvage, comme le miel et la cire qu’elles produisent, appartiennent à ceux qui s’en emparent (…)”. Tout est dit…