Le Code civil a une architecture passablement foutraque et ses textes ne sont pas compréhensibles.
Deux exemples :
Code civil actuel : Article 530 : Des meubles : “Toute rente établie à perpétuité pour le prix de la vente d’un immeuble, ou comme condition de la cession à titre onéreux ou gratuit d’un fonds immobilier, est essentiellement rachetable. Il est néanmoins permis au créancier de régler les clauses et conditions du rachat. Il lui est aussi permis de stipuler que la rente ne pourra lui être remboursée qu’après un certain terme, lequel ne peut jamais excéder trente ans ; toute stipulation contraire est nulle.” C’est le même texte qu’en 1804…
Idem article 674 : De la distance et des ouvrages intermédiaires requis pour certaines constructions : “Le propriétaire d’un mur non mitoyen, joignant immédiatement l’héritage d’autrui, peut pratiquer dans ce mur des jours ou fenêtres à fer maillé et verre dormant. Ces fenêtres doivent être garnies d’un treillis de fer dont les mailles auront un décimètre (environ trois pouces huit lignes) d’ouverture au plus et d’un châssis à verre dormant.” Autant lire Heidegger…
Au 21ème siècle (et cela a commencé au siècle précédent), nous vivons une véritable hémorragie législative et réglementaire. Regardez les statistiques 2020-2021 de l’activité législative en France : pour les seules lois c’est 2 263 qui ont été proposées, 300 qui ont été votées, et cela ne comprend que les lois. Or il y a aussi les décrets, règlements, ordonnances, arrêtés, circulaires… Au 25 janvier 2019, le volume du droit consolidé en vigueur est de 84 619 articles législatifs et de 233 048 articles réglementaires, en hausse par rapport à 2018 (83 254 et 231 363 respectivement).
Il faut y ajouter la jurisprudence c’est à dire les décisions des juges des Cours d’appel et de la Cour de Cassation qui ont valeur de loi. En 2020, il y avait pour les seules Cour d’Appel 171 307 affaires nouvelles, 176 911 affaires terminées, et un “stock” d’affaires en cours de 265.115 dossiers. Sans compter l’activité normative européenne…
Savez-vous que le plan du Code civil actuel est le même que celui du Code de 1804 et que l’on ajoute des textes n’importe comment en ajoutant des numéros à tirets ? Par exemple, le “mariage pour tous” a été ajouté par un article 6-1 dans le Titre préliminaire “De la publication et des effets de la loi en général” pour poser de but en blanc comme un poing sur la table que les époux et parents de même sexe ne bénéficient pas des mêmes droit que les couples mariés ou parents de sexe différents… “Article 6-1 Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l’exclusion de ceux prévus aux chapitres Ier à IV du titre VII du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe.”
Les juges eux-mêmes n’en peuvent plus : on peut voir l’appel des 3000 juges en novembre 2021 et cet article “Trop de lois en France, à qui la faute ?” on cite : “La passion normative des Français se résume en quelques chiffres : « il y aurait aujourd’hui près de 400.000 normes, 11.500 lois avec leurs 320.000 articles auxquels il convient d’ajouter 130.000 décrets ». Voir aussi l’allocution de Mme la Première Présidente de la Cour de Cassation Chantal Arens en 2019. C’est dur pour nos juges, car même s’ils n’encourent aucune mise en cause de leur responsabilité lorsqu’ils se trompent… les magistrats ont ceci d’exemplaire qu’ils ont le sens de la République et qu’ils font leur possible pour bien faire leur métier. Vraiment, on les admire (et on ne les envie pas). Ils n’arrivent plus à suivre les rythmes des réformes et sont las du volume des affaires à traiter et des formations à prendre.
Exercer la profession d’avocat est devenu aussi incertain que de prédire l’avenir avec un pendule.
Chaque réforme est comme un pansement de plus sur un corps mal fagoté. Il est urgent de réduire le volume législatif et réglementaire pour redonner une cohérence à l’ensemble – donner de la clarté, donc du discernement. Le Codecivelle tâchera de faire un peu de ménage.