Le Code civil de Napoléon porte en lui un modèle de société destiné à modeler les relations entre les humains, qu’il s’agisse de leurs relations personnelles, pécuniaires, contractuelles, délictuelles (c’est à dire toutes les interactions qui ne sont pas liées à l’exécution d’un contrat préétabli), ainsi que leur identité et leur rattachement à la Nation. En devenant Français, tout citoyen doit se conformer aux règles du Code civil et faire sienne ses lois. Le Code prévoit aussi les relations avec les animaux qui sont conçus comme des objets que l’humain peut s’approprier sans limite, ainsi que tout ce que porte la Terre, et la Terre elle-même découpée en territoires, le droit de propriété étant déclaré comme absolu.  

L’on voit déjà l’anthropocentrisme sous-tendu par nos législateurs de la fin du XVIIIème – début du XIXème siècle qui voit l’appropriation comme modèle de société, posé en “droit de l’homme”. Et personne ne trouve cela étrange ni décorrélé de tout principe de réalité. Pourtant, la Terre et les animaux ont préexisté à l’humain que l’on sache. Ils risquent fort de lui survivre aussi, d’ailleurs… Mais… quand on se promène autour d’un lac, est-ce que les oiseaux ont mis des barrages et des barrières, est-ce qu’ils se sont fait un code de navigation avec des pénalités, est-ce qu’ils nous interdisent de nous y promener voire même de les regarder ? Non. Sauf quand on les attaque, les animaux sont plutôt respectueux à notre égard. 

Donc, droit / réalité, dès 1804 et même dès la Déclaration des Droits de l’Homme, il y a un hiatus. Le droit crée un monde artificiel et (des)ordonné. 

C’est une société de contrôle et de domination qui est mise en place, pour garantir la sécurité des sujets, la constitution des patrimoines et territoires, la collecte de l’impôt et la paix sociale.  

Sur la famille, qui est l’un de nos sujets, on désigne comme chef de famille le père (aujourd’hui, les deux parents), on exige des époux fidélité, secours et assistance, les enfants doivent respecter et honorer leurs parents (comme dans la Bible), on instaure des fautes (tout non-respect de la loi, qu’elle soit contractuelle ou délictuelle, est une faute) et une obligation de réparation des fautes, le tout sous-tendu par une vision binaire du monde qui instaure rapports de force et recherche de bouc-émissaires (cf le principe 10).  

Pour les époux et les familles, la norme est particulièrement rigide. L’Eglise catholique n’a pas fait pire. Parce qu’elle, au moins, ne s’est pas mêlée des questions d’argent. Le père est un surhomme, les enfants et l’épouse sont “mineurs”. On rappelle la définition originelle de mineur ? Dictionnaire Le Petit Robert : Mineur, mineure : adjectif et nom (opposé à majeur) : 1. D’importance, d’intérêt secondaire. 2. Musique Intervalle mineur, plus réduit que le majeur. 

(Nous en profitons pour vous annoncer que la qualification juridique de “mineur” pour désigner les moins de 18 ans sera abrogée dans le Codecivelle)

Société paternaliste, le patron domine ses employés, société de règlements de comptes, la victime fait payer le fautif. Une société de héros et de sous-hommes.  

Aujourd’hui encore, la loi régissant les relations des couples est particulièrement incongrue et décalée par rapport à ce qu’il se passe réellement entre les partenaires.  

Prenons le terrain du patrimoine familial (on parlera de l’intimité plus tard). Vous vous mariez ? Vous avez le choix entre 4 régimes matrimoniaux qui sont régis par la loi sans possibilité d’adaptation par les futurs époux. On dit que les règles sur le régime matrimonial sont intangibles. On peut seulement changer de régime matrimonial en cours d’union, à condition de choisir l’un des trois autres régimes. Vous vous mariez sans contrat ? Ce sera la communauté réduite aux acquêts : il y a bien un contrat légal par défaut. Vous vous pacsez ? Vous avez le choix entre deux régimes : la séparation de biens ou l’indivision. Vous demeurez concubins ? Vous êtes tout de même soumis à certaines règles définies par la loi ou la jurisprudence.  

Personne ne connaît ces règles et les surprises sont de taille au moment de la séparation. Parce qu’alors qu’en matière contractuelle, le juge ira chercher quelle était l’intention des personnes concernées au moment d’agir, en revanche cas de séparation de couples, nul n’est censé ignorer la loi et chacun est censé s’y conformer. Vous avez dépensé par amour et, trahi, vous le regrettez ? Tant pis pour vous ! Il fallait y penser avant ! La loi vous semble soudainement injuste et sans rapport avec ce que vous aviez voulu faire ? Il fallait le prévoir ! On n’est pas censés évoluer dans la vie ! Ni se séparer !  

La loi est incomplète et insécurisante. Les secondes unions ne sont pas prévues. Le droit des successions est inadapté aux héritiers de lits successifs. Tout cela est d’une extrême complexité, sans compter qu’avec nos chers juges, la loi issue de la jurisprudence change tout le temps.  

Une illustration pour bien mesurer l’impact de ce que nous disons (en essayant d’être claires parce que c’est un peu technique) : il existe dans le régime de participation aux acquêts une clause type selon laquelle le patrimoine professionnel des époux pourra ne pas être partagé à la dissolution du mariage. C’est important quand l’un d’eux est chef d’entreprise. Pour éviter qu’au divorce il faille vendre l’entreprise pour en partager la valeur alors que c’est l’outil de travail de l’un des conjoints. Eh bien la Cour de Cassation a décidé d’un coup il y a deux ans que cette clause ne s’appliquerait pas aux divorces, voilà, c’est comme ça un point c’est tout, circulez ! Du balai ! Débrouillez-vous, la Cour se fiche de ce que vous aviez voulu prévoir au mariage et des conséquences du divorce !  

C’est ainsi qu’une avocate avait, au cours de son mariage, acquis les parts d’un cabinet d’avocats pour un prix très important, partiellement avec des fonds issus d’un héritage familial et partiellement avec l’épargne accumulée par son travail. Les époux avaient bien pris soin dans leur contrat de mariage  d’exclure le cabinet d’avocat de ce qui serait partagé à l’éventuelle dissolution du mariage. Comme c’est une grande travailleuse la valeur du cabinet augmente. C’est une bonne avocate. Dans le même temps, le couple se distend et même, une animosité sourde s’installe, liée à une grande fragilité psychologique de l’époux qui perd littéralement les pédales émotionnelles et relationnelles. Le divorce se négocie difficilement. Les enfants ne vont pas bien.

Et là BIM !!! La Cour de Cassation invalide l’exclusion par contrat du patrimoine professionnel au moment du partage. Monsieur a juridiquement le droit de revendiquer, d’un coup d’un seul à cause de cette fichue jurisprudence de la semaine précédente, la moitié de la valeur du cabinet de son épouse, ce que ni l’un ni l’autre n’avaient voulu au moment du mariage et tout au long des années !!  Et vous imaginez bien que ce Monsieur n’a pas voulu entendre parler d’intention des époux au moment du mariage !

Heureusement, ça ne s’est pas trop mal terminé parce qu’à la faveur d’une médiation et de l’aide d’un notaire intelligent, un compromis a été trouvé. Mais il s’en est fallu de peu que l’épouse doive mettre la clé sous la porte.

Eh oui, l’argent des familles, c’est du ressort de la loi et non des personnes concernées… Qu’on se le dise… 

Des exemples comme cela, on en aurait des tonnes. L’idée avec le Codecivelle est simplement de réintroduire de la souplesse, de la compréhension et de l’adaptation dans notre droit. Qu’il soit pédagogique, adapté à notre humanité et non rigide, technique et imposant. Pour rendre aux sujets leur intelligence et leur permettre de s’en sortir de façon adaptée et juste pour elles au gré de leurs interactions et singularités.  

Donc, des règles simples laissant place à l’initiative individuelle dès lors qu’il s’agit du champ de la liberté des personnes dans un cadre de coexistence possible et fertile. 

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